Bientôt des vaccins ? Selon la pharmacienne, la production locale permet une chose toute bête en apparence mais d’une grande importance : l’étiquetage en kiswahili. « Les notices des médicaments venus de l’étranger sont rédigées uniquement en anglais, parfois aussi dans d’autres langues comme le français, l’allemand ou le néerlandais, mais cela ne sert à rien ici. » Le risque est grand pour les personnes maîtrisant mal l’anglais de se tromper en s’administrantles médicaments prescrits. Juliette Odhiambo sort une boîte d’antibiotiques et montre une minuscule gélule bicolore. « Cet antibiotique se prend quand on a une plaie ouverte. Cela se boit avec un verre d’eau, mais il peut arriver que des personnes versent la poudre qu’il contient directement sur la blessure… » La production pharmaceutique locale aurait aussi un effet positif sur l’emploi. « La plupart des emplois créés procurent des revenus décents et s’exercent dans des conditions de travail sûres », note la FEAPM dans son rapport de 2019. L’industrie pharmaceutique offrirait des possibilités « autant pour les travailleurs qualifiés que pour ceux qui ne le sont pas ». Parmi le type d’emplois générés, des postes d’ingénieurs et de manutentionnaires. D’autres secteurs, comme l’agriculture, bénéficieraient d’un effet de levier, la culture de plantes comme l’artémisinine étant nécessaire dans le traitement contre le paludisme. « Cela attirera aussi les investisseurs,estime Nick Bertrand Ntahokaja, expert en stratégie pharmaceutique et économique. Le Kenya compte de nombreuses personnes qualifiées. La science et la connaissance sont là. Ce sont des choses que recherchent les entreprises qui veulent investir. » Le pays ne produit pas encore de vaccins, « mais il pourrait peut-être s’y mettre d’ici à quatre ou cinq ans », poursuit-il. En avril 2024, le Benylin Paediatric, un médicament contre la toux destiné aux enfants, a été retiré des pharmacies kényanes après une alerte du Pharmacy and Poisons Board, l’agence de contrôle du médicament. L’institution, avertie par son homologue nigériane, avait relevé un niveau d’impureté plus élevé que prévu du diéthylène glycol, une substance incriminée dans la mort de plusieurs enfants en Gambie et au Cameroun par le passé. Le médicament était produit en Afrique du Sud. Dans sa pharmacie, au milieu des sirops et des boîtes de vitamines, Juliette Odhiambo veut y voir un signe positif : « Cela signifie que les contrôles dans notre pays sont efficaces. C’est une bonne chose. »